Georges Nivat, Le Maïdan, Lettre à un ami ukrainien
Mon cher Constantin, tu as écrit un témoignage enflammé qui contient aussi une analyse précise et un portrait magnifique de Liza, l’infirme qui organise le secours aux blessés.
Nous n’aurions pas pu l’écrire! De loin nous n’avons pas la possibilité de ce cri du cœur, mais ton cri, nous l’entendons. Oui, l’Europe d’aujourd’hui s’est faite contre les deux totalitarismes du siècle passé, en deux étapes : l’Ouest se cicatrisant lui-même contre son proche suicide collectif, avec les Jean Monnet, les Elie Wiesel, les Paul Celan, puis l’Est apportant sa lutte passionnée contre le communisme version stalinienne, avec les héros que nous avons aimés, vénérés! Soljenitsyne, Andreï Sakharov, Natalia Gorbanevskaïa, Walensa, Jean-Paul II, Havel, Patocka!
Va-t-on vers une troisième étape, un troisième souffle de l’Europe? Peut-être. Je ne puis le dire. La grande différence étant qu’il n’y a pas de héros charismatique pour symboliser et porter la nouvelle révolte. L’époque semble s’y opposer par sa porosité informatique, qui abolit la distance, et la distance est sans doute nécessaire au prophétisme. Et puis nous zappons tous d’un malheur à l’autre…