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marussie
27 décembre 2014

Les mots de l'année 2014

Le groupe Dictionnaire de l’année a débarqué sur le réseau social Facebook il y a trois ans. Ses membres (ils sont plus de cinq cents) dressent tous les mois des listes des mots qui ont marqué le vocabulaire et qui se sont retrouvés au centre de l’attention. Cette année ayant été dominée par les événements en Ukraine, le Dictionnaire de l’année s’est enrichi de plusieurs noms géographiques : la Crimée (qui a tenu au mois de mars un référendum sur l’indépendance), Odessa (qui est devenue le 2 mai l’arène d’un drame ayant fait de nombreuses victimes) et Novorossia (appellation historique des régions du sud-est de l’Ukraine).

Le « dérivé » le plus remarqué du nom géographique est « La Crimée est à nous » (en russe – Krym nach), qui est apparu après l’adhésion de la Crimée à la Russie. D’ailleurs, il a rapidement formé un « collage », devant une sorte de mème Internet qui s’est retrouvé dès le mois d’avril dans le Dictionnaire de l’année sous la forme de « lacriméeestànous » (krymnach).

L’expression « La Crimée est à nous » suppose une évaluation positive de l’événement par celui qui parle, alors que le néologisme « krymnach » exprime une attitude plutôt ironique des opposants à l’adhésion de la Crimée à la Russie. Ceux qui estiment que l’entrée de la péninsule au sein de la Russie est une erreur manifestent un état d’esprit résigné et sarcastique : « Les prix montent en flèche, mais la Crimée est à nous », « Le pays traverse une crise, mais la Crimée est à nous ». Ce qui fait que le mot « krymnach » est devenu une sorte d’étiquette négative pour désigner ceux qui approuvent l’événement : il est possible aujourd’hui d’entendre des phrases comme : « Il est krymnach » ou encore « Il n’y a que des krymnach à cette rencontre ».

Les « sanctions » économiques (encore un mot de l’année) introduites contre la Russie ont suscité en réaction la limitation des importations de certains produits alimentaires en provenance de l’Union européenne. Du coup, « parmesan » et « jamon » ont été propulsés dans la liste des mots de l’année : ce fromage et ce jambon, qui ont disparu des rayons, sont venus symboliser les restrictions ayant frappé de plein fouet la classe moyenne russe déjà habituée à une consommation « élitiste ».

Chaque année, plusieurs nouveaux mots empruntés font leur apparition dans le russe. Il y a un an, le « selfie », cet autoportrait photographique réalisé avec un smartphone puis mis en ligne sur les réseaux sociaux, a été déclaré mot de l’année en anglais. C’est sous cette forme que le mot est entré dans la langue de Pouchkine en 2014 ; les tentatives de traduction en russe (par exemple d’introduction du mot « sebiachka » qui peut être rendu comme autophoto) se sont soldées par un échec.

Cette année a été l’occasion d’observer pour la première fois un fait curieux : l’apparition de mots de même tendance dans des langues différentes. L’anglais a adopté cette année le mot normcore, antonyme du mouvement extrême, aspiration à être « normal » sans chercher à se faire remarquer. Parallèlement et indépendamment de l’anglais, le russe s’est enrichi (surtout le vocabulaire des jeunes) du mot « norm » qui est une abréviation courante de « norme » et « normal » et qui signifie « tout va bien », « ça va ».

Un exemple de mot emprunté, marqué d’une touche de création, est la transformation en nom commun du nom de la porte-parole du département d’État américain, Jen Psaki : le groupe de mots « dernières psaki » est apparu au mois de mai pour définir des nouvelles ne provenant pas toujours de sources dignes de foi, mais présentées comme une vérité absolue, tandis que juin a vu naître le verbe dérivé, « psaker » (qui veut dire annoncer une telle information).

Enfin, le leader incontesté des nouveaux mots de 2014 nous renvoie lui aussi à une information altérée et à la manipulation de l’opinion publique : fake est calqué sur l’anglais et signifie « faux, imité, truqué, falsifié ». Les informations de la presse et les reportages TV censés prouver l’authenticité d’un événement étaient souvent reconnus comme non conformes à la réalité ; il s’agissait avant tout de la couverture de divers épisodes du conflit ukrainien.

Nous avons vu également se propager un genre de fake provocateur réalisé sciemment, lorsqu’une information fondée initialement sur des faits réels (et méritant par conséquent la confiance) était poussée jusqu’à l’absurde, permettant de faire avaler n’importe quel mensonge à l’auditoire. C’est malheureusement le mot fake qui peut être reconnu comme le symbole de 2014.

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marussie
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